TERRE DES HOMMES...Extrait
Découvrez Geoffrey Oryema!
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Découvrez Geoffrey Oryema!
Gabon 1975
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« …Une fois de plus,
j’ai côtoyé une vérité que je n’ai pas comprise. Je me suis cru perdu, j’ai cru
toucher le fond du désespoir et, une fois le renoncement accepté, j’ai connu la
paix. Il semble à ces heures-là que l’on se découvre soi-même et que l’on devienne
son propre ami. Plus rien ne saurait prévaloir contre un sentiment de plénitude
qui satisfait en nous je ne sais quel besoin essentiel que nous ne nous
connaissions pas. Bonnafous, j’imagine, qui s’usait à courir le vent, a connu
cette sérénité. Guillaumet aussi dans sa neige. Comment oublierais-je moi-même,
qu’enfoui dans le sable jusqu’à la nuque, et lentement égorgé par la soif, j’ai
eu si chaud au cœur sous ma pèlerine d’étoiles ?
Comment favoriser en nous
cette sorte de délivrance ? Tout est paradoxal chez l’homme, on le sait
bien. On assure le pain de celui-là pour lui permettre de créer et il s’endort,
le conquérant victorieux s’amollit, le généreux, si on l’enrichit, devient
ladre.
Que nous importent les
doctrines politiques qui prétendent épanouir les hommes, si nous ne connaissons
d’abord quel type d’hommes elles épanouiront. Qui va naître ? Nous ne
sommes pas un cheptel à l’engrais, et l’apparition d’un Pascal pauvre pèse plus
lourd que la naissance de quelques anonymes prospères.
L’essentiel, nous ne
savons pas le prévoir. Chacun de nous a connu les joies les plus chaudes là où
rien ne les promettait. Elles nous ont laissé une telle nostalgie que nous
regrettons jusqu’à nos misères, si nos misères les ont permises. Nous avons
tous goûté, en retrouvant des camarades, l’enchantement des mauvais souvenirs.
Que savons-nous, sinon
qu’il est des conditions inconnues qui nous fertilisent ? Où loge la
vérité de l’homme ?
La vérité, ce n’est point
ce qui se démontre. Si dans ce terrain, et non dans un autre, les orangers
développent de solides racines et se chargent de fruits, ce terrain-là c’est la
vérité des orangers.
Si cette religion, si
cette culture, si cette échelle des valeurs, si cette forme d’activité et non
telles autres, favorisent dans l’homme cette plénitude, délivrent en lui un
grand seigneur qui s’ignorait, c’est que cette échelle des valeurs, cette
culture, cette forme d’activité, sont l’activité de l’homme. La logique ?
Qu’elle se débrouille
pour rendre compte de la vie.
Tout au long de ce livre
j’ai cité quelques-uns de ceux qui ont obéi, semble-t-il, à une vocation
souveraine, qui ont choisi le désert ou la ligne, comme d’autres eussent choisi
le monastère ; mais j’ai trahi mon but si j’ai paru vous engager à admirer
d’abord les hommes. Ce qui est admirable d’abord, c’est le terrain qui les a
fondés.
Les vocations sans doute
jouent un rôle. Les uns s’enferment dans leurs boutiques. D’autres font leur
chemin, impérieusement, dans une direction nécessaire : nous retrouvons en
germe dans l’histoire de leur enfance les élans qui expliqueront leur destinée.
Mais l’Histoire, lue
après coup, fait illusion. Ces élans-là nous les retrouverions chez presque
tous.
Nous avons tous connu des
boutiquiers qui, au cours de quelques nuits de naufrage ou d’incendie, se sont
révélés plus grands qu’eux-mêmes. Ils ne se méprennent point sur la qualité de
leur plénitude : cet incendie restera la nuit de leur vie. Mais faute
d’occasions nouvelles, faute de terrains favorables, faute de religion exigeante,
ils se sont rendormis sans avoir cru en leur propre grandeur. Certes les
vocations aident l’homme à se délivrer : mais il est également nécessaire
de délivrer les vocations.
Nuits aériennes, nuits au
désert… ce sont là des occasions rares, qui ne s’offrent pas à tous les hommes.
Et cependant, quand les circonstances les animent, ils montrent tous les mêmes
besoins. Je ne m’écarte point de mon sujet si je raconte une nuit d’Espagne
qui, là-dessus, m’a instruit. J’ai trop parlé de quelques-uns et j’aimerais parler
de tous.
C’était sur le front de Madrid que je visitais en reporter. Je dînais ce soir-là au fond d’un abri, à la table d’un jeune capitaine…. »
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Cambodge, 1963, Siem Réap