6 juin 2022
CLEMENCE
Un homme sur le chemin
Au sud
Loin
A peine la touffeur infléchit son pas
Sa vie est alentour
Champs brûlés
Sous la force des jours
La corne de l’été
Le jour respire faiblement
Dure coûte que coûte
Malgré le tourment
Le doute
L’homme soliloque
Sous la pierre anguleuse
Du soleil
Sa voix de mémoire
Décrit des orbes vibrants
Dans un soleil volatil
Ses mots rehaussent le jour
Avec la pertinence d’une pluie d’été
Inverse symphonie miséricordieuse
Mais revient parfois une voix plus ancienne
D’un seul tenant
J’aime ces voix de femmes
Rondes sur le jour
Où vivre est toujours
Clémence,
L’homme soliloque sous l’araignée solaire
Sa voix
Expose déplore dépose explore
Les peurs de l’enfant jadis
Sa voix
Dispose de nouvelles marges
Sous le ciel
Le bâtisseur intègre le monde
Il féconde in vivo
Son chemin universel
Fluide
Portée par les arches
Voix d’eau entre pierres du vieux sud
Chemin de lumières sur l’aqueduc
Le jour tamise les rouges
Il y a une femme près de la fontaine
En contrebas
Nue
Mélusine penche son visage sous ses cheveux
Pose ses lèvres sur l’eau
Ne rien dire
Surtout
Ne rien dire
Ne pas ouvrir
Un front de plus
Fuir
Ne pas négocier
L’imaginaire de la rencontre
Un pas vers elle
Elle a dit : Attendez !
Il n’a pas entendu de voix humaines
Depuis le naufrage
Attendre…
Quoi d’autre ?
La vie attend
On ne sait plus trop qui
Quelle improbable danse
J’attendais…
Je mangeais sur le bois tombé
Le sucre de résines
L’orge
Le miel
Et l’argile
Le millet noir
J’attendais…
Je dormais dans le monastère des arbres
Au frais du vitrail des forêts
Je ne redoutais personne –
Pas même la folie
Ou le guignon –
Mais personne ne vint
Ni armée
Ni roi
Ni devin
Ni défaite
Ni Dieu
Tout juste patienter sa mort
En attendant
Le cavalier
Ne vint pas pour interdire
Il se contenta de passer au large
Avec un sourire
Dois-je mourir Seigneur ?
Ou marcher sur la terre
Sans amour ni prières
Sans honneur ?
Les bras de la croix
Comme Judas
Embrassaient l’horizon
Fuyant
Son père l’avait abandonné
Et chacun le trahissait
Il était seul au seuil de la mort
On avait choisi pour lui
Choisir est une croix
Où la souffrance désigne
Celui qui ne sait pas
Puis vient le bleu silence
Où son corps semble lourd
Alors ses yeux d’enfance
Peuvent refermer le jour
Au pied de la croix
Mélusine enlace le voyageur
C’est une autre pietà
Sous un ciel meilleur
Mélusine te prend sous sa queue de serpent
Le venin de vivre proféré par les fées
Te laisse sur la langue
Tendre amère douce folie
La résurgence du baiser
Jardin profane
A l’instant de l’amour
Jardin sacré
Multitudes et mots
La vie est une lumière à gué
Nous traversons parfois
Ce pur élan de clarté
Avec le consentement des anges
Et la clémence des fées
Elle s’endort à ses côtés
Sa voix caresse le ventre vivace
Souffle sur la bouche de l’homme
Pour décrier son doute
Alors que tombent les étoiles
Sur la nuit marine
Ils enfantent le Dieu duel
Des sources et du soleil
Mélusine penche ses cheveux sous le halo
Des étoiles, sourit à son enfant d’eau
Elle pose la tête sur l’épaule du voyageur
Apaise les peaux les soifs et les peurs
Ils dorment près de la fontaine
Au jour naissant
Il a couvert ses yeux
De baisers et de laine
Mais revient parfois une voix plus ancienne
D’un seul tenant
J’aime ces voix de femmes
Rondes sur le jour
Où vivre est toujours
Clémence
Reprendre sa marche…
Le jour est loin
Où vivre suffit
.
.
.
.
.
Commentaires