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EMMILA GITANA
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14 mars 2024

BRUNO RUIZ...Extraits

 

Tu es là sans y être. Ta présence plane partout. C'est fou ce que tu as laissé de traces ici. Par ennui j'ai ouvert un livre de contes chinois sur tes étagères. Nous y traversions un pays plat comme la main. Il y avait le chagrin de ta mère. Tu murmurais sa plainte. Personne ne t'écoutait sinon moi dans un silence à venir. Tu la rejoignais dans le miroir de la salle de bain et nous dansions tous les deux sur une roue lumineuse. Tu étais cette belle jeune fille devant le mur de ta maison d'adolescente. Un oiseau sans aile. Silencieuse et bouleversée comme le jour où je t'ai connue. Je venais te chercher à minuit quand le bal était fini. Nous vivions si loin de leurs fêtes, ma belle demoiselle aux doigts agiles. Je t'accrochais à mon bras et le temps se refermait tendrement sur nous. Sur toute cette vie fragile et tellement merveilleuse. Nous fûmes les habitants heureux d'un pays qui s'éloigne. Notre source fut si transparente. Elle ne cesse de couler encore en moi, à jamais perdue au creux de notre falaise de craie.
 

 

 

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Comme elle est petite ma vie désormais. Comme elle est courte. Tout s'en va vers sa fin puisqu'elle ne te contient plus. Tous nos projets arrêtés, tout ce qui ne sera pas terminé, tout cet amour seront restés en suspens, comme ce linge sur le fil. Tu es toujours dans ce tiroir resté entr'ouvert, cette boîte que tu n'as pas refermée. Bien sûr ce soir je relis tous les signes de tes derniers jours, à l'éclairage de ta mort que je n'avais pas imaginée, cette mort brutale, inacceptable. Que cherchais-tu alors ? Que cherchais-tu à me dire avec toutes ces fleurs séchées que tu accrochais avec élégance au-dessus du vieil évier, n'importe où sur les murs et les portes, dans des vases et des aquariums, oubliées dans tes livres et tes cahiers ? Voulais-tu me faire comprendre qu'un jour tu ne serais plus là et qu'une nouvelle beauté naîtrait de leur abandon ? Qu'il me faudrait les accueillir comme un peu de temps coupé par tes mains ? On ne change pas la trajectoire d'une sève. Elle cesse un jour son ascension jusqu'à la fleur. Mais il faut se rendre à l'évidence : elle continuera son travail jusqu'à sa dernière décomposition, jusqu'à ce qu'elle devienne poussière. Et il faudra bien l'accepter.

 

 

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BRUNO RUIZ

 

 

 

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