AU PRESENT DU MONDE
Au commencement qui est dans toute fin
à l’espoir en tout commencement
aux longs quais sombres de l’absolu
à toutes les choses évanouies
à ton regard où s’est réfugié l’instant
à la nuit qui est un acte, à la lumière
à la vertu des lignes nues
à l’étranger qui marche vers le fleuve
à celle qui dort seule dans ses veines
au glaive du temps qui te prête sa mort
à ta seconde naissance
au lieu longtemps cherché
avant que de songer au seuil
au poète qui crée son propre monde,
à qui offre une image à la vie
à ceux qui dans l’obscure apprennent l’éclat
aux soleil aux chèvrefeuilles de l’enfance
au langage des étoiles qu’allume le soir
à la lune qui se noie dans la citerne du ciel
à ce que le temps sculpte d’un visage
à la femme brune dans la déraison des miroirs
à toute vraie rencontre
à l’insaisissable en toi
à qui le premier oubliera l’autre
à la beauté de ce qui en nous demeure
à ce que je cherche de l’autre côté des mots
à la main qui se posera sur ta main
à ceux qui naissent dans des pays en guerre
à la pierre de lune sertie dans mon cœur
aux jardins enchaînés à mes paumes
aux fruits abandonnés dans la mémoire des arbres
à tous les points cardinaux
aux nouvelles de mort que diffuse la radio
à la deuxième vie du poème, qui le renouvelle
à ceux que le temps entraîne hors du temps
aux suicides de la lumière dans des vases de cendres
aux remparts de ma ville délaissée par la mer
à ceux qui, l’ultime porte franchie, viennent
partent et n’ont pour patrie qu’un chemin
à l’infinie distance entre le seuil
et ce qui ferait un lieu acceptable
aux lettres d’amour que personne ne reçoit
aux êtres et aux choses que je nomme
à ceux qui résistent à la prose du monde
à qui prend soin de la terre de l’arbre de la pierre
aux raisons que chacun a de vivre et de mourir
à cet automne où tu apparus à mes étés
au dialogue silencieux des saisons
aux blessures qui rongent nos écorces
aux paroles que ne dément pas le regard
aux voyages à la frontière de l’inconnaissable
aux chemins qui tous ramènent au même lieu
à ceux que j’aime, à ceux que tu n’aimes pas
à tes yeux grands ouverts sur le soleil de juin
à la poésie qui nous fait humains
et embrasse l’espace et le temps
dans le poing fermé du monde
Amina Saïd
Au présent du monde