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EMMILA GITANA
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29 janvier 2008

PESSOA ...Extraits

Je ne suis rien
Jamais je ne serai rien.
Je ne puis vouloir être rien.
Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde.

Fenêtres de ma chambre,
de ma chambre dans la fourmilière humaine unité ignorée
(et si l'on savait ce qu'elle est, que saurait-on de plus ?),
vous donnez sur le mystère d'une rue au va-et-vient continuel,
sur une rue inaccessible à toutes les pensées,
réelle, impossiblement réelle, précise, inconnaissablement précise,
avec le mystère des choses enfoui sous les pierres et les êtres,
avec la mort qui parsème les murs de moisissure et de cheveux blancs les humains,
avec le destin qui conduit la guimbarde de tout sur la route de rien.

Je suis aujourd'hui vaincu, comme si je connaissais la vérité;
lucide aujourd'hui, comme si j "étais à l'article de la mort,
n'ayant plus d'autre fraternité avec les choses
que celle d'un adieu, cette maison et ce côté de la rue
se muant en une file de wagons, avec un départ au sifflet venu du fond de ma tête,
un ébranlement de mes nerfs et un grincement de mes os qui démarrent...

.

Que sais-je de ce que je serai, moi qui ne sais pas ce que je suis ?
Etre ce que je pense ? Mais je crois être tant et tant !
Et il y en a tant qui se croient la même chose qu'il ne saurait y en avoir tant !
Un génie ? En ce moment
cent mille cerveaux se voient en songe génies comme moi-même
et l'histoire n'en retiendra, qui sait ? même pas un ;
du fumier, voilà tout ce qui restera de tant de conquêtes futures.
Non, je ne crois pas en moi.
Dans tous les asiles il est tant de fous possédés par tant de certitudes !
Moi, qui de certitude n'ai point, suis-je plus assuré, le suis-je moins ?
Non, même pas de ma personne...
En combien de mansardes et de non-mansardes du monde
n'y a-t-il à cette heure des génies-pour-soi-même rêvant ?
Combien d'aspirations hautes, lucides et nobles -
oui, authentiquement hautes, lucides et nobles -
et, qui sait ? réalisables, peut-être...
qui ne verront jamais la lumière du soleil réel et qui
tomberont dans l'oreille des sourds ?

.

Le monde est à qui naît pour le conquérir,
et non pour qui rêve, fût-ce à bon droit, qu'il peut le conquérir.
J'ai rêvé plus que jamais Napoléon ne rêva.
Sur mon sein hypothétique j'ai pressé plus d'humanité que le Christ,
j'ai fait en secret des philosophies que nul Kant n'a rédigées,
mais je suis, peut-être à perpétuité, l'individu de la mansarde,
sans pour autant y avoir mon domicile :
je serai toujours celui qui n'était pas né pour ça ;
je serai toujours, sans plus, celui qui avait des dons ;
je serai toujours celui qui attendait qu'on lui ouvrît la porte
auprès d'un mur sans porte
et qui chanta la romance de l'Infini dans une basse-cour,
celui qui entendit la voix de Dieu dans un puits obstrué.
Croire en moi ? Pas plus qu'en rien...
Que la Nature déverse sur ma tête ardente
son soleil, sa pluie, le vent qui frôle mes cheveux ;
quant au reste, advienne que pourra, ou rien du tout...

.Esclaves cardiaques des étoiles,
nous avons conquis l'univers avant de quitter nos draps,
mais nous nous éveillons et voilà qu'il est opaque,
nous nous éveillons et voici qu'il est étranger,
nous franchissons notre seuil et voici qu'il est la terre entière,
plus le système solaire et la Voie lactée et le Vague Illimité....

.

J'ai vécu, aimé - que dis-je ? j'ai eu la foi,
et aujourd'hui il n'est de mendiant que je n'envie pour le seul fait qu'il n'est pas moi.
En chacun je regarde la guenille, les plaies et le mensonge
et je pense : « peut-être n'as-tu jamais vécu ni étudié, ni aimé, ni eu la foi »
(parce qu'il est possible d'agencer la réalité de tout cela sans en rien exécuter) ;
« peut-être as-tu à peine existé, comme un lézard auquel on a coupé la queue,
et la queue séparée du lézard frétille encore frénétiquement ».

J'ai fait de moi ce que je n'aurais su faire,
et ce que de moi je pouvais faire je ne l'ai pas fait.
Le domino que j'ai mis n'était pas le bon.
On me connut vite pour qui je n'étais pas, et je n'ai pas démenti et j'ai perdu la face.
Quand j'ai voulu ôter le masque
je l'avais collé au visage.
Quand je l'ai ôté et me suis vu dans le miroir,
J'avais déjà vieilli.
J'étais ivre, je ne savais plus remettre le masque que je n'avais pas ôté.
Je jetai le masque et dormis au vestiaire
comme un chien toléré par la direction
parce qu'il est inoffensif -
et je vais écrire cette histoire afin de prouver que je suis sublime. ...

.

FERNANDO PESSOA

.

SOURCE

........

version originale ( portugais )

.

Não sou nada. Nunca serei nada.
Não posso querer ser nada.
À parte isso, tenho em mim todos os sonhos do mundo.
Janelas do meu quarto,
Do meu quarto de um dos milhões do mundo que ninguém sabe quem é
(E se soubessem quem é, o que saberiam?),
Dais para o mistério de uma rua cruzada constantemente por gente,
Para uma rua inacessível a todos os pensamentos,
Real, impossivelmente real, certa, desconhecidamente certa,
Com o mistério das coisas por baixo das pedras e dos sêres,
Com a morte a pôr umidade nas paredes e cabelos brancos nos homens.
Com o destino a conduzir a carroça de tudo pela estrada de nada.

Estou hoje vencido, como se soubesse a verdade.
Estou hoje lúcido, como se estivesse para morrer,
E não tivesse mais irmandade com as coisas
Senão uma despedida, tornando-se esta casa e êste lado da rua
A fileira de carruagens de um comboio, e uma partida apitada
De dentro da minha cabeça,
E uma sacudidela dos meus nervos e um ranger de ossos na ida.
.

Estou hoje perplexo, como quem pensou e achou e esqueceu.
Estou hoje dividido entre a lealdade que devo
À Tabacaria do outro lado da rua, como coisa real por fora,
E à sensação de que tudo é sonho, como coisa real por dentro.
Falhei em tudo.
Como não fiz propósito nenhum, talvez tudo fôsse nada.
A aprendizagem que me deram,
Desci dela pela janela das traseiras da casa.
Fui até ao campo com grandes propósitos.
Mas lá encontrei só ervas e árvores,
E quando havia gente era igual à outra.
Saio da janela, sento-me numa cadeira. Em que hei de pensar?

Que sei eu do que serei, eu que não sei o que sou?
Ser o que penso? Mas penso ser tanta coisa!
E há tantos que pensam ser a mesma coisa que não pode haver tantos!
Gênio? Neste momento
Cem mil cérebros se concebem em sonho gênios como eu,
E a história não marcará, quem sabe?, nem um,
Nem haverá senão estrume de tantas conquistas futuras.
Não, não creio em mim.
Em todos os manicómios há doidos malucos com tantas certezas!
Eu, que não tenho nenhuma certeza, sou mais certo ou menos certo?
Não, nem em mim...

Em quantas mansardas e não-mansardas do mundo
Não estão nesta hora gênios-para-si mesmos sonhando?
Quantas aspirações altas e nobres e lúcidas -
Sim, verdadeiramente altas e nobres e lúcidas -,
E quem sabe se realizáveis,
Nunca verão a luz do sol real nem acharão ouvidos de gente?
.

Vivi, estudei, amei, e até cri,
E hoje não há mendigo que eu não inveje só por não ser eu.

Olho a cada um os andrajos e as chagas e a mentira,
E penso: talvez nunca vivesses nem estudasses nem amasses nem cresses
(Porque é possível fazer a realidade de tudo isso sem fazer nada disso);
Talvez tenhas existido apenas, como um lagarto a quem cortam o rabo
E que é rabo para aquém do lagarto remexidamente.

Fiz de mim o que não soube,
E o que podia fazer de mim não o fiz.
O dominó que vesti era errado.
Conheceram-me logo por quem não era e não desmenti, e perdi-me.
Quando quis tirar a máscara,
Estava pegada à cara.
Quando a tirei e me vi ao espelho,
Já tinha envelhecido.
Estava bêbado, já não sabia vestir o dominó que não tinha tirado.
Deitei fora a mascara e dormi no vestiário
Como um cão tolerado pela gerência
Por ser inofensivo
E vou escrever esta história para provar que sou sublime.

FERNANDO PESSOA

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