FLORA AURIMA DEVATINE
Et j’écris
En suivant le fil de l’écorce de mon bois,
Recherchant le sens de ma fibre, et, en même temps,
Explicitant, justifiant,
Je ne sais pourquoi !
Et j’écris
Mais je doute de ce que j’écris,
Comme du bien-fondé de l’écriture !
A quoi cela sert-il ?
Cela vaut-il la peine que je dise, que j’écrive ?
Ai-je à me préoccuper du sens,
Ou de la portée de ce que j’écris ?
Et j’écris comme je parle
Comme je parle comme je pense
Comme je pense comme ça vient
Et que ça s’écrit !
Bien entendu, je range mes idées,
Comme l’on ferait des livres sur les rayonnages,
Ce que je ne sais faire !
J’arrange un peu les mots,
Comme l’on ferait des fleurs de son bouquet,
Par genre, couleur, par taille, par goût,
Le travail, comme le résultat, étant artisanal !
Comme ces sculptures, mal dégrossies,
Proposées, à la vente, dans la rue,
Sans autre forme d’art que celui acquis,
Sur le tas, sous un appentis !
Ainsi en est-il de l’écriture,
Laquelle, se basant, pour sa mise en marche,
Sur une connaissance technique des mots,
Nécessite l’acquisition de la structure interne
Du fonctionnement de la langue,
Ce qui m’entraîne nullement
A écrire,
Mécaniquement !
Car l’écriture s’humanise
A l’expression de l’intérieur de soi,
Se nourrissant, pour y puiser créativité,
A la source, individuelle, des savoirs de sa culture !
Et en écrivant comme je fais,
Ce qui se situe loin de la pratique normale de l’écriture
Du moins telle que dans ma connaissance,
Je la conçois,
J’agis comme l’enfant apprenant à lire et à écrire
Et j’apprends à écrire plus que je n’écris !
Et je l’apprends, par choix et pour le plaisir d’écrire !
Tout en cultivant l’idée, germée dans l’esprit
De savoir écrire,
Pour tenter, un jour, l’aventure, dans l’inconnu,
De l’écriture
Polynésienne !
Et me mettre à écrire, témoignant de l’esprit
S’efforçant d’accéder au monde de l’écrit,
Après qu’il a connu, à ses dépens,
Par les difficultés de pensée et d’expression,
Qui furent le lot des années d’études,
La blessure des traits de l’écriture !
Et en lisant comme je l’écris,
Je retrouve des émotions, des joies et des peines,
Des rêves de l’enfance,
Pendant que ma mère cousait, tressait,
Allant à la ville, au marché, au récif,
Au platier comme à la plantation,
Sans relâche, sans égard
Et sans respect pour sa fatigue,
Récoltant, amassant,
Epargnant ce qu’il faut
Pour le trousseau de l’écolière et de la collégienne !
Chapeau « pa’umotu » et robes neuves
Nouées dans le dos !
Socquettes blanches, chaussures fermées
Et jupes plissées d’un bleu marine !
Pour l’événement, dans la vie, qu’est de l’entrée à l’école
Ou en pension, à quelques kilomètres de la maison !
Mais, l’exil, intérieurement,
Pour l’enfant du « Pari » !
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FLORA AURIMA DEVATINE
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