LE TOUT ET LE RIEN
Il ricane le temps rapace qui sait
combien il est pour nous inutile de croire
en notre étoile, inutile de passer
notre vie à jouir, car s'approche déjà
le jour de la douleur ainsi que de l'absence.
Démence des dieux cruels
qui nous laissèrent sous la coupe
d'un destin si obtus.
Devant la mort de nos amis
devant l'injure et le délire
de celui qui tourmente hommes et malheureux
toutes nos fibres se brisent dans la douleur.
C'est pour cela que j'accuse la vie injuste
qui fait souffrir tout un chacun.
J'accuse celui qui amasse de l'argent
parce que la vie est brève et qu'elle n'est vraie
que si on la vit comme un don.
Je voudrais me confier dans une fraternelle
accolade aux gens, qui comprennent
la signification de la connaissance.
Ainsi, poète et femme je pleure deux fois :
la naissance, la mort avec notre destin
dans les oscillations d'un chant modulé
aux notes qu'on siffle en sourdine.
Oui, les promesses d'un Eden bienheureux
n'étaient pas qu'ignobles mensonges.
Montrez-moi comètes le lieu
où je retrouverai mon oncle bien-aimé,
Colombine et Tita, ainsi que Montale
et Palazzeschi, Marianne et Amanda,
et je mettrai pour les rejoindre des ailes.
Où je retrouverai l'amour qui de tout temps
refleurit avec l'oléandre,
le lentisque qui brûle
et embaume, le myrte
qui calme la douleur: oh l'odeur
de la mort qui entoure le monde
et qui tourmente les vivants,
en narguant la naissance, en narguant le destin.
Avec le temps l'amour aussi part en fumée
s'envole comme s'envolent les heures;
ainsi notre cœur vieillit
et avec lui nos sentiments et notre audace.
Condottiera de batailles perdues,
grande idéologue de philosophies
jamais exposées; le monde comprendra-t-il
que n'existe aucune
possibilité de salut ?
La terre finira dévorée par
des vents pestilentiels, les hommes
périront peut-être avec eux, mais leur trace
restera dans ces pierres.
Ici devant les nuraghes,
parfaites constructions mégalithiques,
je revis aujourd'hui une culture antique
histoires de vie et de mort comme toujours.
M'est donné le pouvoir de retenir ou de
lâcher des œuvres qui pourraient s'éparpiller
mais signifient maintenant vie et amour.
Nous avons supporté hérétiques et saints,
penseurs, transgresseurs et héros,
et l'éternelle créature continue à engendrer
d'autres êtres et joue indifférente avec
les neurones et le destin : l'inconscient.
Des voiles qui s'ouvrent, des mers qui se ferment.
Le temps dévore tout, mais
restera le souvenir même en un seul
être vivant : que ce soit un homme ou un ver.
Oh mer couleur de l'émeraude
où l'on se regarde avec Thétis et Neptune,
personne n'oubliera tes eaux heureuses,
ni les poissons ni nous qui nous laissions lécher.
Tu es l'ensemble de toutes ces particules
qui vivent dans une éternité bienheureuse,
nous sommes des petits pions de ce jeu,
mais nous deviendrons un jour nous aussi
une partie de ces eaux et de ce tout.
Comme les vers, l'ammoniac, l'énergie,
nous survivrons de trois façons différentes.
Nous pourrons, libérés des offenses du mal,
engendrer des vers indéfiniment,
nourrir les plantes et les semences
et persister comme l'énergie solaire.
Il tourne en rond l'arc du désir.
Et le vent tourbillonne à l'entour
pour nous rappeler le son des violons
et des contrebasses qui accompagnera
notre ultime voyage vers
le rien éternel, qui n'est pas le néant,
parce que le vent lui aussi a un son,
et la mer un son différent,
parce que la solitude est pour l'homme
la plus grande des punitions.
Nous vivrons oui dans le rien, mais unis
dans des enchaînements d'atomes lumineux
dans ce tout et rien qu'est la vie
en contraste avec une vie
qui n'est qu'attente de la mort.
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ANALISA CIMA
Traduction Raymond Farina
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Oeuvre Jaya Suberg