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EMMILA GITANA
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31 mars 2018

LA VOIE NOMADE

 

O rompre les amarres

Partir partir

Je ne suis pas de ceux qui restent

La maison le jardin tant aimés

Ne sont jamais derrière mais devant

Dans la splendide brume

Inconnue

Est-ce la terre qui s'éloigne Ou l'horizon qui se rapproche

On ne saurait jamais dans ces grandes distances

Tenir la mesure

De ce qu'on perd ou ce qu'on gagne

Pour aller jusqu'au bout du temps

Quelles chaussures quelles sandales d'air

Non rien

O tendre jour qu'un mince fil d'été

Autour de la cheville

Mais le cercle d'argent

Au poignet l'enfant d'arc-en-ciel

Me conduit au désert

Une femme nomade y a gravé

Toutes ces traces d'oiseaux blessés

Et les suivant peu à peu s'est perdue

Dans les sables

Le prochain puits

Me rendra-t-il en tremblant mon visage

Immortel

Ou seulement l'appel sauvage

Et fou qui plonge dans sa nuit

Comme un glaive

Si je m'égare

O que ce soit à l'heure de midi

Et au milieu d'étincelantes

Dunes leurs dômes de cannelle

Et leur fuite dorée

De gazelles

Endormez-vous mes terres

Mes atlantides endormez-vous

Je garde en moi l'appel

Ebloui des rivières

J'emporte la flûte

Ardente de tous les chants

Je sais que la nuit sera longue

Et que le froid me brûlera

Les yeux que le scorpion me guette

En silence et que des chiens avides

Gardent la porte du jour

Peut-être qu'à la fin du jour

Se lèvera d'entre les harpes

La brise du désert

Plus ineffable que le rossignol

Et que seul peut entendre

Le cœur intemporel

Si le temps me touche

Si la mort m'arrête

Alors que ce soit

D'un doigt éblouissant

Ce n'est pas l'ombre que je cherche

Ni l'humble signe

De la halte sous les palmiers

Tranquilles ni l'eau ni l'ange

Gardien d'oasis

Je cherche le chemin qui dure

Toujours toujours toujours

Et pour guider la marche

Une cage une tombe

D'oiseaux désenchantés

Leur voix mise à prix

Dans la forêt en cendres s'est tue

O compagnons d'errance

Et de ciel

L'âme bleuie de froid

Quelle surprise pour la mort

Qui l'ouvrira

D'y trouver la fraîcheur sucrée

De la figue mûre

Si je pouvais glisser mon ombre

Dans la lumière immobile

Et passer en des mots

Qui ne soient plus qu'allégement

Et envol d'amandiers

O rendez-moi la fougue et l'espace et l'audace

Et la royale autorité

Du danseur de corde

Aurai-je cette fois aurai-je à délaisser

La mer la grande maternelle

Mer et ses bras d'ardoise

Tant d'adieux tant d'adieux

O messagers

Entre vos ailes

A mon poignet trois pierres

Chaque matin se baignent dans le ciel

Trois pierres de lune et le ciel est pris

Pour la prière

Et pour la rêverie

Si les ombres sur le chemin

Si les tristesses n'étaient rien

Que mirages mirages sur le sel

De nos larmes

Ce n'est pas

Au moment de mourir tous les cris

Déchirants de la terre que j'emporterai

Toutes les larmes non

Mais ce rire d'enfant comme un chevreuil

Qui traverse la foudre

Le bleu des lointains me transperce

Et tout le bleu du vent

Et jusqu'à l'âme

Le bleu cavalier de la mort

Je m'arrête parfois sous un mot

Précaire abri à ma voix qui tremble

Et qui lutte contre le sable

Mais où est ma demeure

O villages de vent

Ainsi de mot en mot je passe

A l'éternel silence

Oh je l'entends

Mais quel ange me le dérobe

Ce dernier chant de flûte

Au bord de l'ineffable

A la fin de la traversée

M'attend la souveraine saison

Sous ma tête

Le sable chaud du long sommeil

Une pelisse d'étoiles

Sur mon ombre humaine

Plus avant plus avant

Vers les terres extrêmes

Où il n'y a ni routes ni refuges

Rien que les plis laissés par le dernier repos

Du vent

Me fascinent

Les routes nulles du désert

Et la longue patience des chameaux

Ce là-bas

Ce chant cette aube

Cet envol de ramiers

Cet horizon comme un jardin

Qui repose dans la lumière

Et les aromates

 

J'ai retrouvé par hasard

Sous les feuilles ma petite flûte d'enfant

Et je sais que tout près d'ici

Je vais revoir la place d'herbe humide

D'où s'envolait sans fin

Le héron cendré

Toi

O si peu de bois tendre

Qu'un souffle trop ardent

Te briserait entre mes doigts

J'essaie encore

De ma bouche engourdie

Ce mince chant où venaient se poser

Jadis les paons de jour

Si nous devons tomber

Que ce soit d'une même chute

Etincelants

Et brefs comme l'oiseau

L'arbre

La foudre

Pour tout bagage

Pour tout péage

Cet air de flûte qui chancelle d'un silence

A l'Autre

La solitude

Cette broussaille désolée

Du cœur

D'où monte à la fin du jour

Une salve de colibris

En vain chercherons-nous sur le rivage

Une demeure

Nous ne sommes que de passage

Et glissons sur un fleuve à la gorge ouverte

Entre les astres

Que faire

Contre le vent qui nous glace

Qui livre aux gouffres de la nuit

Et à jamais les douces cendres

Du dernier phénix

Le poète chassé du monde

Pour ses yeux trop bleus

Pour ses chevaux d'ivoire

Qui arpentent le crépuscule

Pour son orgue de barbarie

Encastré dans la mort

Les oiseaux qui ceignent mon front

Noirs enchanteurs

Au tombeau de la poésie

O faites

Que le feu de la mort les change

En étincelles

Le silence ô je l'appelle

Tout ce vacarme de mouettes

Dans nos murs et pour quelle

Conquête

Cependant qu'au-delà des mers

Sans bruit

Un giroflier mûr

Embaume l'île entière

Ce chant trop lourd

Je laisse à la nuit son poids d'ombre

Et le reste

Je le donne à l'espace

Qui le donne à l'oiseau qui le donne

A l'ange éblouissant

Pendant que je dormais

La lumière est entrée dans mon cœur

Comme une fine aiguille de feu

Qui sans relâche me consume et me déchire

Mais d'une façon telle

Que l'arracher serait rendre le cœur

A sa nécropole

Nous avions cru chanter

Sur la plus haute branche

Et nous n'étions qu'à peine

Au-dessus des grenouilles

Ce jour d'avril

Parce que ma force s'est perdue

Et que mes pas s'embourbent

Je salue chaque brin d'herbe

D'un regard qui tremble

Réduite à rien

A pousser devant moi le frileux troupeau

Des paroles brebis de laine

Et de vent

Le temps que tombe un citron mûr

Sur la paume du jour

Mes yeux retrouvent la fraîcheur

De l'enfance

La foule ici comme l'orage

Eclate sur ma tête

Oh je m'éloigne

Avec les chèvres millénaires

Je disparais je monte

Entre les roches parfumées

Jusqu'à la citadelle

Blanche des paradisiers

Plus le temps se fait sombre

Et la route aride

Plus je remplis

Mon fichu d'étoiles

C'est peut-être le sort des vieilles terres

De voir leurs sources peu à peu tarir

Ou encore celui du vieux poète

Lentement dépouillé de ces larmes

Qui en tombant essuyaient la poussière

De ses sandales

Levée avant les heures

Je jette au vent ces mots

Poignée de graines dédiées

Au monde ailé du jour

Si je devais m'arrêter

Mycènes c'est ici

Sur tes flancs ravagés par l'Histoire

Que je déposerais mon errance

Ma flûte tendre

Et sa rumeur d'oiseaux blessés

Ne me retenez pas si

Au détour du chemin

Tout à coup

Emportée vers les sources du jour

J'escalade le chant du merle

La seule tristesse

C'est de savoir que les jours s'ouvriront

Comme des lys au fond du temps

Que l'amour dans le cœur de l'homme

Continuera de déployer

Ses roseraies

Que la beauté comme naguère

Embaumera les pas du voyageur

Et que sous tant de fleurs

J'aurai les yeux remplis de terre

 

.

 

ANNE PERRIER

 

.

 

edgar degas2

Oeuvre Edgar Degas

Commentaires
M
Combien de possibles ici s'élèvent ? Ode ou plain-chant, la Nature nous offre ses vires de hautes lices, intouchée comme le chant de l'oiseau. Un défi au temps, l'harmonie éblouit, charme le silence, envoûte la solitude des vérités essentielles ...! C'est très beau, quelle profondeur !
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EMMILA GITANA
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