PAPILLON NOIR
Derrière mes larmes, mes rires, mes colères, mes espoirs,
il y a un papillon noir, une aile en quête d'altitude,
une force invisible qui s'insurge contre toute les soumissions
et contre l'omniprésence de cette conscience d'apparat
sa volonté mécanique, endorphine,
sa capacité à déformer les vérités,
à arrimer l'intelligence aux certitudes de l'obscur.
Il faut qu'un cri ouvre l'insurrection,
libère les promesses et les rires emprisonnés dans ces bulles de savon
que les jongleurs savants et autoproclamés font danser sur leur nez
pour endormir les consciences.
Plus haut que les dos courbés et l'abdication
il faut qu'un cri défonce les devantures
de ce vide galactique qui parle en notre nom.
Annoncez à tous les Pinocchio et autres jeteurs de charmes
que la fourberie est parfois périlleuse,
marcher sur le fil des mensonges enrubannés
étirés entre les étoiles ne fait pas d'eux des funambules intouchables,
l’imposture et la supercherie qui masquent l'horizon doivent cesser,
rien ne fermera le vent des révoltes.
Et... surtout,
dites à l'enfant qui en vous ouvre vos matins,
qu'il n'est en rien une mémoire morte,
que l'enfance de l'homme ne tarit pas à l'arrivée de l'âge,
que le souffle de l'espoir a ses printemps,
dites-lui la Révolution des Œillets, celle de Prague, et d'un certain mois de Mai,
dites-lui que la vie est belle pour qui n'enterre pas ses rêves.
J'étais un papillon aveugle, une chrysalide endormie
aux acides d'une autosatisfaction égotique,
mais je suis de retour,
j'ai cassé mes chaînes à la hache des mots,
il faut réveiller le jour,
rouvrir le cristal,
effacer les cauchemars, les échafauds, les bûchers,
oublier les résignations, les maîtres, les rois, les confiscateurs d'univers,
les assassins de liberté, les destructeurs de rêve,
destituer ceux qui quantifient nos droits et normalisent nos désespoirs,
aucun homme ne doit se retrouver seul au matin
et croire qu'il n'était riche que de ses nuits,
il faut chasser les marchands d'illusions
et tous ceux qui nous veulent à leur service.
Quand mon printemps se lèvera,
avec des colères de vent,
je placarderai des murs de goudron sur leurs propagandes,
avec des rumeurs d'oiseaux, de forçats évadés des usines,
j'inventerai des mots sans couteaux, à formes galactiques,
des géométries sans croix et sans sens interdit,
ensemble, nous balaierons les verbiages insipides
de ceux qui imposent leur savoir-vivre
et ignorent que VIVRE n'est pas servir.
Je suis un papillon fou né de nuits de trop longue attente,
à l'aube d'un soleil nouveau j'éradiquerai
tous les drapeaux, toutes les vieilles patries,
j'inventerai un territoire plus vaste,
à dimension d'homme et d'inconnu
plus large que le connu.
J'effacerai les univers tangentiels et leurs manifestes patriotiques
calligraphiés sur papiers sanglants siglés aux en-têtes des pouvoirs et de leurs élites,
nous abolirons leur démagogie, leur métaphysiologie et mystériologie,
Je suis un papillon fou dans un ciel asservi aux croyances périmées,
je crois à l'azur, aux étoiles, à l'amour, à la vie,
j'arrive d'un futur d'arcs-en-ciel et de fraternité,
nous oblitérerons un passé sclérosé de philosophies atrophiées,
de corruption mentales, d'inadmissibles soumissions,
leurs injures, deviendront mots d'amour,
à ménager le mensonge, les belles idées rognent l'espoir,
nous inventerons une encre éthique, insoumise, un verbe nouveau
à l'exact de vérités opposables aux falsifications millénaires des manichéismes,
nous vomirons les fourberies, les charlatanismes, les dictatures
qui ont tué, génocidé, affamé la vie,
nous nous opposerons aux héritiers d'un passé falsificateur
qui au nom de prétentions astronomiques veulent coloniser mars
quand la terre et ses habitants meurent de soif, de faim et de désespérance.
L'incalculable est à nos portes,
nous pouvons éviter l'inexorable,
ils sont l'impudence,
nous serons le partage et le pardon.
Je suis un papillon noir,
fils des vents et des forêts,
de la vie sur une terre ronde,
l'enfant des peuples disparus
je suis tous les peuples,
je suis un papillon fou,
je crois à l'inflation des idées, à la résurrection du jour,
je suis une multitude
et nous arrivons pour délivrer demain
avec des mots sans artifice
qui parlent de mutations,
de consciences réinventées et d'honnêteté non sectaire.
Je suis un papillon noir,
un écho majeur de la révolte du vide,
un papillon fou,
je suis la multitude innombrable,
nos mots portent la lumière d'aimer aussi large que le vivant.
JEAN-MICHEL SANANES
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