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EMMILA GITANA
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7 janvier 2024

REVEILLONS DE MON ENFANCE

Je me souviens des premiers réveillons de mon enfance. C'était un éblouissement. Une semaine avant, nous faisions le sapin et la crèche à la place où trônerait plus tard le téléviseur. Notre père ramenait un petit pin des Landes. Ce n'était pas un sapin mais tant pis. C'était le signal. On sortait la petite boite décorée et on disposait les sentons que ma tante avait acheté chez madame Laffon. Il y avait bien sûr le petit Jésus, ce héros que l'on plaçait avec mon grand frère au beau milieu des animaux de basse-cour. Mais les plus beaux, c'était incontestablement Melchior, Gaspard et Balthazar, avec la couleur somptueuse de leurs habits d'apparat. On les faisait descendre sur quelque chemin entre les mousses. La montagne était fabriquée à l'aide de papier kraft froissé. Comme elle n'était pas assez marron, on la peignait pour qu'elle soit un peu plus marron. La guirlande n'avait que cinq ou ou six petites ampoules de bicyclette branchées sur une pile Wonder, celle qui "ne s'use que si l'on s'en sert". Elle ne clignotait pas mais quand on éteignait la grande lampe, c'était magique. Pendant toute la semaine, la salle à manger sentait la peinture à l'eau et la mousse humide de la forêt. Cette odeur me reste encore aujourd'hui. L'attente pouvait commencer, insoutenable.
Le soir du réveillon, la fête était à son comble. Il faisait chaud dans la cuisine où rôtissait la dinde. Il n'y avait jamais aucun invité. Vers sept heure, avant le repas, notre père nous proposait d'aller nous promener au bout de la jetée des Marins. Peut-être verrions-nous le traîneau du Père Noël ? Alors, la tête en l'air, on scrutait le ciel étoilé. Brusquement, notre père nous le montrait, mais hélas, trop tard. Le traîneau était déjà passé.
En rentrant, un froid épouvantable nous enveloppait. Nos petites mains disparaissaient dans la sienne, sèche et rugueuse. Cela durait peu. On revenait frigorifiés, excités. En bas des escaliers, il disait :
– Si ça se trouve, qui sait, le Père Noël est peut-être passé en notre absence ?
On se précipitait alors dans la salle à manger. Le miracle s'était accompli.
Je me souviens du Noël des Grands Vélos Blancs. Le mien était si grand que je ne touchais pas le sol. Il faudrait régler la selle. Mon frère avait exactement le même mais en plus grand encore. On l'essayait sur deux mètres dans le séjour. On aurait bien voulu descendre dans le jardin mais c'était trop tard. Il faudrait attendre le matin. Il y avait bien d'autres cadeaux sous le sapin mais peut-être étaient-ils moins nombreux que dans ma mémoire.
Après le repas dans la cuisine étouffante, on poussait la table et notre père faisait danser ma mère et ma tante. C'était des pasodobles, des tangos, des rumbas, des valses, des sambas. Toujours en espagnol. "España Cañi" passait en boucle sur le phono flambant neuf qui trônait sur le haut buffet. De temps en temps, sous le pas des danseurs, le saphir sautait. Cela nous faisait rire.
Et puis c'était minuit. On entendait sonner le clocher de Notre-Dame. Nous n'allions pas à la messe. C'était déjà bien assez d'avoir le petit Jésus dans la maison. La voix sublime de Madame Verdun s'élevait dans la nuit. Quelque part au dehors, Dieu devait peut-être exister pour certains. Venait l'heure un peu triste de se coucher. En attendant l'aurore, on s'envolait sur notre beau vélo blanc au-dessus de la mer froide, bien au chaud sous nos couvertures remplies de rêves et de lendemains merveilleux.
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____DIAMON_11

 


BRUNO RUIZ
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____DIAMON_11
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creche-maison

Commentaires
J
Et l 'odeur du vin d'orange ......
Répondre
EMMILA GITANA
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