AUDIERNE, PRINTEMPS 1956
La nuit venait battre vague à vague comme une chevelure autour de son visage. La toile tendue entre elle et moi scintillait, mer de pupilles que je traversais à gué, sautant d’une paupière dans l’autre, jusqu’à cette fenêtre où brillaient quelques mots répétés, allant, venant, tel un flux de paroles qui roulait jusqu’à moi à l’autre bout du monde, qui n’était qu’un vieux port immergé dans un battement de cœur, serein, de plus en plus serein, et je savais qu’allaient tomber dans cette flaque de corps mêlés, cet océan de peaux qui palpitait avec un bruit énorme, avec une éclaboussure de siècles, un cataclysme de futur, mon nom, son nom, liés à jamais, voguant vers le mystère jusqu’au rivage de ses yeux où je perdais mes traces, voyageur éperdu, murmure sans patrie, comme un galet roulé par l’océan.
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PIERRE COLIN
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