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EMMILA GITANA
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8 avril 2017

JE VAIS PARLER DE L'ESPERANCE

« Je contemple la douleur de l’affamé et m’aperçois que sa faim est tellement éloignée de ma souffrance que je pourrais bien jeûner jusqu’à en mourir, de ma tombe jaillirait toujours au moins un brin d’herbe. Il en va de même de celui qui aime. Quel sang que le sien, si bien engendré pour le mien qui n’a ni source ni fin ! » Je n’éprouve pas cette douleur en tant que César Vallejo. Je ne souffre pas de moi en tant qu’artiste, en tant qu’homme, ni même en tant que simple être vivant. Je n’éprouve pas cette douleur en tant que catholique, en tant que mahométan, ni en tant qu’athée. Aujourd’hui je souffre, simplement. Quand bien même ne m’appellerais-je pas César Vallejo, j’éprouverais cette même douleur. Quand bien même ne serais-je pas artiste, je l’éprouverais encore. Quand bien même ne serais-je pas un homme ni même un être vivant, je l’éprouverais encore. Quand bien même ne serais-je ni catholique, ni athée, ni mahométan, je l’éprouverais toujours. Aujourd’hui je souffre de plus bas. Aujourd’hui je souffre, simplement. Je souffre à présent de moi sans aucune explication. Ma douleur est si profonde qu’elle n’a plus aucune cause, ni n’en manque. Quelle serait cette cause ? Où se trouve cette chose tellement importante, qui aurait cessé d’en être la cause ? Rien n’en est la cause ; rien n’a pu cesser d’en être la cause. Pour quoi cette douleur est-elle née, jaillie d’elle-même ? Ma douleur est celle du vent du Nord et celle du vent du Sud, tels ces œufs neutres que certains oiseaux étranges déposent, issus du vent. Si ma fiancée était morte, ma douleur serait la même. Si la vie, enfin, était autre qu’elle n’est, ma douleur serait la même. Aujourd’hui je souffre de plus haut. Aujourd’hui je souffre, simplement. Je contemple la douleur de l’affamé et m’aperçois que sa faim est tellement éloignée de ma souffrance que je pourrais bien jeûner jusqu’à en mourir, de ma tombe jaillirait toujours au moins un brin d’herbe. Il en va de même de celui qui aime. Quel sang que le sien, si bien engendré pour le mien qui n’a ni source ni fin ! Je croyais jusqu’alors que toutes les choses de l’univers étaient, inévitablement, pères ou fils. Mais voilà, la douleur que j’éprouve aujourd’hui n’est ni père ni fils. Il lui manque le dos pour devenir crépuscule, tout comme sa poitrine l’empêche de devenir aurore et si on la plaçait dans un endroit sombre, elle ne donnerait aucune lumière, et si on la plaçait dans un endroit lumineux, elle ne jetterait aucune ombre. Aujourd’hui je souffre quoi qu’il puisse se passer. Aujourd’hui je souffre, simplement

 

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CESAR VALLEJO

 

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VALLEJO

 

 

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