JEAN ROGER CAUSSIMON

J’ai rayé de mon vocabulaire

Trois mots qui me faisaient la loi :

« Autrefois » , « Jadis » et « Naguère »

Trois mots assez jolis, ma foi

Mais qui vous tirent en arrière

Et font que l’on parle de soi

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Comme un-qui-raconte-sa-guerre

Encore pour la « énième fois »…

« Autrefois » , « Jadis » et « Naguère »

Que l’encre me brûle les doigts

Que le cœur me tombe en poussière

Si jamais je les réemploie !

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Le présent plus ou moins aimable

Nous vient, c’est déjà le passé

Comment garder l’insaisissable ?

Cela, personne ne le sait…

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C’est comme la poignée de sable

Comme l’eau du torrent glacé…

Tout est fuyant, tout est friable

Entre nos doigts entrelacés…

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Comment garder l’insaisissable ?

Sur film ? sur disque à repasser

Ou comme denrée périssable

Mettre en mémoire et ressasser ?

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Lors, je m’enfuis sur l’autoroute

Des motos font du deux-cent-vingt

Les villes se ressemblent toutes

On ne les voit plus que de loin

Et parfois même, on a des doutes

On ne les reconnait plus très bien…

Moi je roule, coûte que coûte

Où sont les bleuets des chemins ?

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Les villes se ressemblent toutes

Ma radio chante américain

Je l’entends plus que je n’écoute

Ça fait silence à mon chagrin…

J’ai rayé de mon vocabulaire

« Jadis », « Naguère » et « Autrefois »

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Que le cœur me tombe en poussière

Si jamais je les réemploie…

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JEAN ROGER CAUSSIMON

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Photographie Milk Berry