LES CORMORANS...Extrait
Oui, on cherche à se laver les yeux, on poursuit l'inconnu. Les yeux veulent boire de nouveau, enfin, à quelque chose de vif, de frais, de caché et d'inaltéré comme une source. Autour de soi, trop près de soi, on ne sait plus le trouver. Alors, comme un enfant, comme quiconque rêve et ne peut s'empêcher de rêver à ce qui est a "de l'autre côté de la montagne" ou "derrière le mur", à l'invisible, on franchit les frontières en s'imaginant qu' aussitôt ce pas fait, tout sera différent, comme diffèrent les drapeaux et les noms qui désignent les pays. Et si d'abord cette naïve attente est déçue, parce que les vraies limites ne sont pas nécessairement où l'histoire les a pour un temps fixées, plus lentement quelque chose se passe, qui bientôt presque la comblera.
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PHILIPPE JACCOTTET
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