BRANCHES BASSES
Instant qui veut durer mais sans savoir
Tirer éternité des branches basses
Qui protègent la table où clairs et ombres
Jouent, sur ma page blanche de ce matin.
Autour de ces deux arbres d’abord l’herbe,
Puis la maison, puis le temps, puis demain
Pour ouvrir à l’oubli, qui déjà dissipe
Ces fruits d’hier tombés près de la table.
Là-bas est loin. Toutefois, c’est surtout
Ici et maintenant qui sont inaccessibles,
Plus simple est de rentrer dans l’avenir
Avec, pour tout à l’heure, quelque peu
De ce fruit mûr, par la grâce duquel
Du bleu se pend au vert dans la nuit de l’herbe.
Une seule prairie jusqu’à l’horizon,
Une seule pensée,
Ici nomme l’ailleurs par le vol des grues,
Je n’ai souci que de me souvenir
De l’à présent qui monte, c’est une vague,
De l’immense dehors réconcilié
Avec ce qui se fait et se défait
Ou se veut et déveut, dans la parole.
Vienne, petite fille en robe à carreaux,
La fin de tout, ce ne sera, riante,
Que le repli des mots sur la couleur.
De quoi s’envelopper dans la lumière
D’un jour d’été en pays étranger,
Serrant sur soi le vocable et son ombre.
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YVES BONNEFOY
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Oeuvre Suzanne Ryder