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EMMILA GITANA
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28 juillet 2021

JEAN-FRANCOIS STEVENIN...HOMMAGE

 

Acteur à gueule, autodidacte, patriarche, chef de clan généreux, il réalisa trois films… et quels films : “Passe-montagne”, “Double messieurs”, “Mischka”. Jean-François Stévenin, personnage attachant et singulier, est mort ce mardi 27 juillet à 77 ans.

Jean-François Stévenin, mort le 27 juillet à 77 ans des suites d’une longue maladie, c’était avant tout une gueule : un mélange improbable de Jack Nicholson et de Bozo le clown, qui avait fait de lui un des seconds rôles les plus populaires du cinéma français, dans les films d’auteur les plus pointus comme dans les superproductions du type La Révolution française (1989) ou Le Pacte des loups (2001) – on le retrouvera le 20 octobre à l’affiche d’Illusions perdues, l’adaptation par Xavier Giannoli du roman de Balzac. Mais l’acteur autodidacte, patriarche débonnaire d’une lignée de comédiens (sa fille Salomé et ses trois fils Sagamore, Robinson et Pierre ont également attrapé le virus), était aussi, et surtout, un cinéaste singulier. Une sorte de John Cassavetes français, qui ne put tourner que trois films – mais quels films, d’une audace narrative et formelle rare…

 

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Fils d’une institutrice et d’un ingénieur des travaux publics, Jean-François Stévenin grandit dans le Jura, une campagne et une montagne qu’il filmera ensuite comme personne dans Passe-montagne (1978) et auxquelles il restera fidèle jusqu’à sa mort – il y possédait « une fermette remplie de courants d’air » qu’il appelait son « ranch ». Inscrit à HEC, il passe plus de temps dans les salles de cinéma qu’à étudier le commerce. Mais c’est lors d’un stage à Cuba que naît véritablement sa vocation : désœuvré, il profite de son temps libre pour suivre les cours de l’Institut cubain de l’art et de l’industrie cinématographiques à La Havane et, grâce à un piston d’un cousin de Che Guevara, décroche un stage sur un tournage en pleine jungle.

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Son premier rôle marquant sera dans L’Argent de poche, de François Truffaut (1976), où son interprétation d’un instituteur si humain touche au cœur. Peu de temps après, il se lance dans l’aventure de sa première réalisation. Dans Passe-montagne (1978), un architecte tombe en panne de voiture en plein Jura et se lie d’amitié avec un garagiste bizarre qui va lui faire découvrir les mystères et les drôles de loustics du coin. Après cet étonnant western campagnard aussi concret que poétique suivra Double messieurs (1986), nouveau récit buissonnier, sur les hauteurs de Grenoble cette fois, où deux copains d’enfance (Stévenin lui-même et Yves Afonso) partent à la recherche de leur ancien souffre-douleur du temps des colonies de vacances.

Puis, après seize ans d’attente, Mischka (2002), un road-movie picaresque flirtant avec le fantastique social, où un papy abandonné sur une aire d’autoroute est pris en charge par un infirmier azimuté, une adolescente et une Gitane rockeuse. Ce film, aussi libre que les deux premiers, il l’a tourné en chef de clan, avec sa femme Claire et ses enfants Salomé et Robinson devant la caméra, et son équipe technique (monteuses, ingénieurs du son) invitée à passer six mois dans sa maison de Meudon (Hauts-de-Seine) transformée pour l’occasion en « camp de Gitans ».

 

Jean-François Stévenin a longtemps rêvé de porter à l’écran l’œuvre de Louis-Ferdinand Céline. Le projet d’adapter D’un château l’autre et Nord ne put aboutir, mais lui permit de rencontrer Lucette Destouches, la veuve de l’écrivain qui deviendra sa voisine, son amie, sa « mère adoptive ». Dans les années 2010, il écrit pendant trois ans le scénario d’Une fée dans le rétro, « l’histoire d’un bruiteur de cinéma qui fait un voyage avec Lucette et qui rêvasse », dans laquelle il parvient à glisser des extraits de Nord. Son fils Robinson accepte de jouer le rôle principal, avant de renoncer. « Je pense que c’était trop lourd pour lui. Il n’a pas eu envie d’endosser la vie de son père ».

En 2020, le cinéaste Laurent Achard avait consacré un beau documentaire à son collègue, joliment intitulé Jean-François Stévenin, simple messieurs et diffusé à l’époque sur la chaîne Ciné+ Club. L’acteur-réalisateur y apparaissait comme on l’aimait, d’une humanité généreuse, bon vivant, cabotin juste comme il faut, jamais avare d’une anecdote ou d’une imitation (il était très fort pour reproduire les expressions et les mimiques de Godard ou de Johnny, son idole). Il s’exclamait aussi : « C’est pas une belle vie tout ça ? »

 

 

 

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