UN COEUR DE PIERRE
La
montagne a failli ouvrant une brèche consentie. Elle lance des regards
de ciels obscurs entre ses doigts durs et vieillis,
éclats révulsés
de la forge à la source transfigurée du feu. C'est une invite, une
rencontre inespérée. je caresserai bientôt le fluide cristallin courant
les brisées de l'éclair, balancé entre les flancs battus et la hanche
vacillante des cimes.
Quand point le dénouement risqué de la chute ,
par la délivrance de la vire, fulgurante, l'orient en garance, les
sommets errants et flavescents, tous les songes
d'île bercée au
lointain ponant me dissolvent, m'absolvent. Je suis les chants arrondis
et muets de l'eau.
Mélodieuse monodie à la
lyre du ciel messager, des vents du haut vol et de l'estive! de la
pointe sommitale, un filet d'or comme l'extrême dénuement argenté
jaillit, libre, du granit vertical et suinte; seul le soleil en révèle
la présence soyeuse, l'entière vérité, la beauté sapide et
rafraîchissante de l'azur. La sève de la plaine est de toutes les
sources oubliées des monts, sourd aux seuils tonnants de l'empyrée. Au
nid de l'aigle inaccessible, la roche dardée, le minéral gelé se ride,
solennel, au-delà de l'âge fissuré... La pierre s'est gorgée du nectar
vital, délivre l'ambroisie en l'ultime ascension silencieuse et secrète,
aux thermes comblés et sages de l'hiver noble.
Dualité complice et
sinueuse, rêves diluviés, lancinantes et improbables noces, sourciers
des monts, étanchez ma soif au cœur des mots fluides et nourriciers de
silex et d'eau!
J'arrive, je viens poser
mes lèvres avides contre la pierre; elle transpire et je m'abreuve au
baiser de la vie, à la naissance fébrile du ciel qui fond chaque jour
sur la terre et n'oserait jamais le blesser
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CRISTIAN-GEORGES CAMPAGNAC
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