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EMMILA GITANA
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25 juillet 2013

PARTIR

Nous partons pour nous éloigner du lieu qui nous a vu
naitre et voir l'autre versant du matin. Nous partons à la
recherche de nos naissances improbables. Pour
compléter nos alphabets. Pour charger l’adieu de
promesses. Pour aller aussi loin que l’horizon, déchirant
nos destins, éparpillant leurs pages avant de tomber,
quelquefois , sur notre propre histoire dans d’autres
livres.
Nous partons vers des destinées inconnues. Pour redire
à ceux que nous avons croisés que nous reviendrons et
que nous referons connaissance. Nous partons pour
apprendre la langue des arbres qui, eux, ne partent
guère. Pour lustrer le tintement des cloches dans les
vallées saintes. A la recherche de dieux plus
miséricordieux. Pour retirer aux étrangers le masque de
l’exil. Pour confier aux passants que nous sommes,
nous aussi, des passants, et que notre séjour est
éphémère dans la mémoire et dans l’oubli. Loin des
mères qui allument les cierges et réduisent la couche du
temps à chaque fois qu’elles lèvent les mains vers le ciel.
Nous partons pour ne pas voir vieillir nos parents et ne
pas lire leurs jours sur leur visage. Nous partons dans la
distraction de vies gaspillées d’avance. Nous partons
pour annoncer à ceux que nous aimons que nous
aimons toujours, que notre émerveillement est plus fort
que la distance et que les exils sont aussi doux et frais
que les patries. Nous partons pour que, de retour chez
nous un jour, nous nous rendions compte que nous
sommes de exilés de nature, partout où nous sommes.
Nous partons pour abolir la nuance entre air et air, eau
et eau, ciel et enfer. Riant du temps, nous contemplons
désormais l’immensité. Devant nous, comme des enfants
dissipés, les vagues sautillent pendant que la mer file
entre deux bateaux. L’un en partance, l’autre en papier
dans la main d’un petit.
Nous partons comme les clowns qui s’en vont de
village en village, emmenant les animaux qui donnent
aux enfants leur première leçon d’ennui. Nous partons
pour tromper la mort, la laissant nous poursuivre de lieu
en lieu. Et nous continuerons ainsi jusqu’à nous perdre,
jusqu’à ne plus nous retrouver nous-mêmes là où nous
allons, afin que jamais personne ne nous retrouve.

 

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ISSA MAKHLOUF

 

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PARTIR

 

 

 

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